mercredi 29 octobre 2014

L'Alsace et la réforme des régions

Ce blog n'est pas voué à dispenser mes opinions relevant du domaine politique, mais les derniers sursauts dans l'évolution de la réforme des régions me hérissent le poil. J'aime ma région, certes. J'aime aussi beaucoup les régions Champagne-Ardennes et Lorraine pour leurs paysages (les horizons aux collines douces en Champagne, les grands champs vallonnés en Lorraine et les impressionnantes forêts ardennaises), leur gastronomie (galettes au sucre, madeleines et champagne) et leurs habitants.
Préserver la culture alsacienne de son déclin me tient également à cœur. Elle est particulière, elle n'est pas allemande comme le soutiennent beaucoup. Nous avons beaucoup en commun avec nos voisins badois (au niveau du dialecte qui évolue en parallèle du nord au sud de part et d'autres du Rhin, au niveau de la gastronomie aussi), mais la culture alsacienne a ceci de particulier d'être le mariage réussi entre la culture allemande et la culture française. Elle est le fruit d'un mélange des deux et un mélange est en cuisine comme ailleurs, fragile. Toujours est-il qu'il n'est pas question dans la réforme et dans ma réaction ci-dessous de brandir la préservation d'une Alsace seule en raison de notre culture particulière, quoique cela serait justifié, mais de réfléchir à l'intérêt économique de ce redécoupage territorial (puisque tel est le prétexte du redécoupage des régions: réduire le nombre d'instances et d'employés et renforcer le poids économique des différentes régions).
Petit billet d'humeur...


"Je me suis engagé auprès des élus de montagne, des élus des territoires ruraux, à adapter la réforme territoriale aux spécificités de leur territoire [...] Le premier objectif de cette réforme, c'est de renforcer tous les territoires." (M. Valls dans son discours face au Sénat le 28/10/14).

Je comprends que le gouvernement français, dans son essence même de représentant de la République héritière de la Révolution française ne reconnaissant qu'un seul et unique et indivisible peuple français, ne daigne pas reconnaître une exception culturelle; mais comment peut-il prononcer les termes ci-dessus et accepter la fusion de l'Alsace avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne?

La Lorraine nous est voisine et nous partageons des pages d'histoire avec la Moselle (lequel département développe également son économie par une politique transfrontalière avec l'Allemagne (principalement) et avec le Luxembourg): que l'on ait pensé à nous fusionner avec elle, cela peut se comprendre. (et puis moi j'aime bien leurs mirabelles et leur quiche).

L'économie alsacienne repose très fortement sur la coopération avec l'Allemagne (principalement) et la Suisse. Pensons tout simplement au nombre appréciable de travailleurs transfrontaliers qui travaillent hors d'Alsace et n'ont de ce fait pas besoin de trouver un travail en Alsace. Sans cela nos taux de chômage seraient sensiblement plus élevés et le pouvoir d'achat de nombre de foyers plus bas.

En Champagne et dans une partie des Ardennes, nous avons également des éléments transfrontaliers: énormément de gens vivent dans cette région rurale et travaillent à Paris, et la situation économique désastreuse des Ardennes poussent une partie de sa population à se tourner vers la Belgique pour des éléments vitaux: par exemple faire les courses (comme les Alsaciens qui remplissent le DM, et autres ALDI et LIDL de Breisach ou de Kehl le samedi par exemple :)), ou aller à l'hôpital (oui, la région étant sinistrée au nord, les restrictions budgétaires ont affecté les services médicaux, ce qui ne plaît guère aux Belges soit dit en passant, car leurs propres conditions s'en trouvent dégradées: urgences surchargées, carnets de rendez-vous des praticiens bien trop remplis par les voisins français, etc.).

Bref, l'Alsace, jusqu'à présent, était très petite, et économiquement puissante. Je ne compte pas le nombre de remarques sur cette région "bourgeoise" (les belles maisons, nos infrastructures modernes et bien entretenues, blablabla). La région attire les entreprises et fait penser à l'Allemagne de par son architecture, sa gastronomie, sa culture et son "art de vivre" (soyons positif...). Cela n'empêche pas d'avoir des espaces qui souffrent du fait de plans sociaux qui s'enchaînent... comme partout. Mais jusqu'à présent, la région a su se préserver et limiter la casse.

Comment cela sera-t-il encore possible lorsqu'il faudra gérer des espaces encore plus divers? Quand une partie aura besoin de coopération avec l'Allemagne/Suisse/Luxembourg/Belgique, quand une autre partie aura à cœur de ne pas subir de fracture avec Paris et quand on se retrouvera avec une Alsace qui a pour tradition de chercher une voie particulière (en raison d'un sentiment récurrent de ne pas être comprise par ses compatriotes...?), avec une Champagne puissante, altière et parisienne, avec les Ardennes qui subissent déjà la fracture économique, sociale et culturelle en étant juste avec la Champagne et avec la Lorraine qui se cherchera entre tous ces éléments divergents? La Champagne-Ardenne rencontre déjà des difficultés à elle seule, comment espérer une amélioration pour les Ardennes (je ne me fais guère de souci pour la Champagne je l'avoue) si on rajoute dans la balance la problématique de territoires situés à des centaines de kilomètres d'elle?
Pour la Champagne-Ardenne et la Lorraine, il y a certes une parenté dans la structure de ces régions au nord transfrontalières, au sud parisocentrées.
L'Alsace et la Lorraine ont quelques points communs, et sont du moins en lien sur certains grand projets (du TGV-Est pour ne citer que lui...)
Mais avec ces trois régions réunies, comment porter un projet commun?
Comment ne pas avoir peur que l'Alsace se retrouve en situation de frange, de cul-de-sac, bloquée dans son ouverture vers l'Europe?

Laissons l'Alsace seule: elle a déjà prouvé qu'elle a les reins économiquement, socialement et culturellement suffisamment solides pour suivre sa voie. Plutôt que d'en faire une région en situation de voiture-balai qui subira des décisions non adaptées à ses particularités et à ses besoins, qu'elle soit un pont vers les autres pays et qu'elle puisse en faire profiter les régions limitrophes.

Fusionner la Champagne-Ardenne et la Lorraine apportera de son côté peut-être plus d'équilibre à la représentation des différents territoires et de ce fait plus de poids et de dynamisme aux Ardennes en réduisant le dualisme Champagne/Ardennes.

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